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L’ulmen n’était pas causeur de sa nature ; il ne lui arrivait pas souvent d’en dire autant qu’il venait de le faire, tout d’une haleine. Ses amis, convaincus qu’une grande nécessité avait seule pu l’obliger à rompre ainsi ses habitudes, ne lui firent pas d’observation et le laissèrent partir.

Lorsqu’ils furent seuls, ils ralentirent insensiblement l’allure rapide de leurs chevaux pour prendre un léger galop de chasse.

Le général Ibañez était radieux, il respirait à pleins poumons l’air frais du désert qui s’engouffrait avec délices dans sa large poitrine ; tout au plaisir d’être libre, il ne pensait à autre chose qu’à jouir de ce qui s’offrait à sa vue sans s’occuper du passé, qu’avec son caractère insouciant il avait déjà oublié, et ne songeait pas à l’avenir qui ne lui apparaissait qu’à travers un prisme teinté de riantes couleurs.

Don Miguel Zarate, au contraire, sentait, depuis quelques instants, une sombre mélancolie s’emparer de son esprit. Sans pouvoir se rendre compte de l’émotion qu’il éprouvait, il avait comme un pressentiment secret d’un malheur suspendu sur sa tête. En vain il cherchait à chasser ces idées qui l’obsédaient, elles revenaient toujours plus tenaces, et ce n’était qu’avec une espèce de crainte qu’il s’avançait dans la direction où il devait rencontrer Valentin qui cependant était son meilleur ami, tant il redoutait qu’il ne le saluât, à son arrivée, en lui annonçant une mauvaise nouvelle.

Les deux gentilshommes, livrés chacun à leurs pensées, qui, nous le constatons, étaient bien différentes, marchaient ainsi depuis une demi-heure environ sans échanger une parole entre eux, lorsque après avoir