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placer la question et à la reporter sur un terrain moins brûlant que celui sur lequel elle se trouvait ; il devina le piége qui lui était tendu et ne s’y laissa pas prendre.

— Mon père ne répond pas à ma demande, dit-il ; cependant, pour en finir de suite avec les récriminations qu’il m’adresse, je vais, moi, répondre péremptoirement à ses questions, en les séparant les unes des autres. En premier lieu, mon père blanc sait fort bien que les Visages Pâles et les Peaux Rouges sont en guerre permanente depuis l’arrivée des blancs en Amérique. Cette guerre a pu parfois, à de longs intervalles, se ralentir un peu, mais jamais elle n’a cessé de fait : nos deux races sont ennemies ; la lutte ne finira entre elles que lorsqu’une des deux familles, blanche ou rouge, aura définitivement, par son extinction générale, cédé la place à l’autre. Secondement, mon père a dit qu’aucune action n’a été commise dont nous soyons en droit de nous plaindre ; mon père se trompe, il en est une : l’emprisonnement de don Miguel Zarate, qui, Indien lui-même, n’a jamais oublié son origine et a toujours protégé les Indiens. Que mon père ne me demande donc plus de quel droit je suis ici, ce droit est parfaitement établi : c’est celui qu’a tout homme de cœur de protéger un innocent qu’on opprime. Maintenant que ce fait est éclairci, passons à un autre. Lorsque hier je me suis présenté ici, mon père m’a donné à entendre que mes propositions seraient acceptées et l’échange des prisonniers effectué.

— C’est possible, chef, répondit le général, faisant contre fortune bon cœur, mais les choses de ce monde sont ainsi, nul ne sait la veille ce qu’il fera le lendemain ; avec la nuit est venue la réflexion, et, bref, vos propositions m’ont paru inacceptables.