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troduire dans mon domicile une personne suspecte.

— Je vais jeter la porte en bas !

— Essayez, s’écria résolument le gambusino, et, par notre Dame del Pilar, je vous envoie une balle dans la tête.

À cette menace, le squatter se rua sur la porte avec une furie indicible, dans l’intention évidente de la renverser ; mais, contre ses prévisions, bien qu’elle gémît et craquât dans ses membrures, cependant elle résista.

Andrès Garote avait fait à part lui un raisonnement qui ne manquait pas d’une certaine logique et prouvait une profonde connaissance du cœur humain ; il s’était dit que puisqu’il devait affronter la colère du Cèdre-Rouge, mieux valait, en la détournant, lui faire atteindre de suite son paroxysme, afin de n’avoir à supporter que la période décroissante, puisque, dans l’organisation de l’homme, tout sentiment arrivé à son apogée tend fatalement à descendre.

Il sourit des efforts infructueux de l’Américain et lui répéta sa phrase :

— Eh bien, s’écria celui-ci avec rage, je suis le Cèdre-Rouge ! me reconnaissez-vous maintenant, Gachupine du diable ?

— Parfaitement, parfaitement ! je vois que je puis sans danger ouvrir à votre seigneurie.

Et le gambusino ouvrit vivement la porte.

Le Cèdre-Rouge se précipita dans la salle avec un hurlement de colère.

Mais Andrès avait éteint la lumière.

Le squatter s’arrêta, surpris par l’obscurité qui l’empêchait de rien distinguer dans la salle.

— Hé ! fit-il en restant sur le seuil de la porte, que sont ces ténèbres ? on n’y voit goutte.