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ni à droite ni à gauche pour piller, et ne commettant, en somme, rien de répréhensible.

Les Espagnols, de plus en plus étonnés de l’attitude fière et hardie des Indiens et de leur conduite exempte de tout reproche, se demandaient avec frayeur ce que voulaient ces hommes, et quelle raison les avait ainsi poussés à envahir leurs frontières d’une façon si subite et si secrète que les éclaireurs que le gouvernement mexicain paye pour les surveiller n’avaient eu aucune connaissance de leur marche.

Comme cela arrive assez ordinairement en pareil cas, peu à peu la frayeur fit place à la curiosité : d’abord les lépreux et les aventuriers se hasardèrent à s’approcher des Indiens, puis peu à peu les habitants, sinon complétement tranquillisés, du moins rassurés par leur attitude pacifique, se mêlèrent aux groupes, de sorte que lorsque le détachement de guerre des Comanches arriva sur la plaza Mayor, il était suivi d’une foule d’Espagnols qui les considéraient avec cette curiosité inquiète et stupide qui n’appartient qu’aux masses.

Les Comanches ne semblèrent pas s’apercevoir de l’empressement qu’ils excitaient ; aussitôt qu’ils furent sur la plaza Mayor, ils firent halte et demeurèrent immobiles comme si leurs pieds eussent subitement adhéré au sol.

L’Unicorne fit un signe avec son talisman.

Un cavalier se détacha des rangs et alla en caracolant se poser devant la sentinelle qui, placée en faction devant le palais du gouverneur, regardait cette scène singulière d’un air hébété.

— Ooah ! fit l’Indien avec un accent railleur en touchant légèrement le soldat du bout de sa lance,