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doit se passer quelque chose d’extraordinaire autour de nous.

— Qui vous le fait supposer ?

— Ceci : depuis deux jours notre digne geôlier, nô Quesada, devient non pas poli avec nous, cela lui serait impossible, mais moins brutal ; je me suis aperçu qu’il rentre ses griffes, il cherche à sourire ; il est vrai que son visage est si peu habitué à prendre cette expression, que le seul résultat qu’il obtienne est de faire une ignoble grimace.

— Que concluez-vous de cela ?

— Moi, dit le général, rien de positif ; seulement je me demande d’où provient ce changement incompréhensible dont je cherche vainement la cause ; il serait aussi absurde de l’attribuer à la pitié qu’il éprouve pour la position dans laquelle nous nous trouvons que de supposer que le gouverneur viendra nous demander pardon de nous avoir jugés et condamnés.

— Eh ! fit don Miguel en hochant la tête, tout n’est pas fini encore, nous ne sommes pas morts.

— C’est vrai ; mais soyez tranquille, nous le serons bientôt.

— Notre vie est entre les mains de Dieu, il en disposera à son gré.

— Amen ! dit en riant le général, qui tordait entre ses doigts une nouvelle cigarette.

— Ne trouvez-vous pas extraordinaire que depuis un mois que nous sommes détenus ici, nos amis ne nous aient pas donné signe de vie ?

Le général haussa les épaules avec insouciance.

— Hum ! dit-il, un homme prisonnier est bien malade, nos amis ont sans doute craint de nous affliger par le spectacle de leur douleur ; voilà pour-