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dent ; quels qu’ils soient, ces hommes mourront.

— Mon fils, répondit doucement le prêtre, je ne prononcerai pas devant vous le nom du malheureux qui, dans un moment de folie, a porté la main sur moi. Mon Dieu est un Dieu de paix, il est souverainement bon, et recommande surtout à ses créatures d’oublier les injures et de rendre le bien pour le mal.

L’Indien le regarda avec étonnement ; il ne comprenait pas la sublimité douce et touchante de ces préceptes d’amour. Élevé dans les principes sanguinaires de sa race, persuadé comme tous les Peaux Rouges que le premier devoir d’un guerrier est la vengeance, il n’admettait que cette féroce loi des prairies qui dit : Œil pour œil, dent pour dent ; loi terrible, que cependant nous n’osons pas complétement condamner dans des pays où les embuscades sont permanentes et où la mort se dresse implacable à chaque angle de la route.

— Mon fils, reprit le père Séraphin, vous êtes un grand guerrier ; maintes fois vous avez bravé les atroces tortures du poteau du sang, mille fois plus terribles que la mort elle-même ; souvent vous avez, avec un plaisir que j’excuse, car il est dans votre nature, renversé, le genou sur la poitrine, votre ennemi à vos pieds ; n’avez-vous jamais pardonné dans un combat ?

— Jamais, répondit l’Indien, dont l’œil rayonna d’orgueil satisfait ; l’Unicorne a envoyé bien des chiens apaches dans les prairies bienheureuses ; leurs chevelures sèchent à l’entrée de son calli.

— Eh bien, fit doucement le missionnaire, essayez de la clémence une fois, une seule, et vous connaîtrez