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Don Pablo le ramassa, et serrant le moine à la gorge :

— Écoute, misérable, lui dit-il, je suis maître de ta vie : tu as trahi mon père qui avait eu pitié de toi et t’avait accueilli dans sa maison, tu déshonores la robe que tu portes par tes accointances avec les scélérats dont tu partages les crimes ; je pourrais te tuer, je le devrais peut-être, mais ce serait voler le bourreau auquel tu appartiens, et faire tort au garote qui t’attend. Cet habit, dont tu es indigne, te sauve la vie ; seulement je veux te marquer pour que tu te souviennes toujours de moi.

Et appuyant la pointe du couteau sur la face blême du moine, il lui fit deux entailles en forme de croix, qui lui partagèrent le visage dans toute sa longueur, mais profondes à peine de quelques lignes.

— Au revoir ! ajouta-t-il d’une voix effrayante, en jetant le couteau avec dégoût.

Andrès Garote n’avait pas osé faire un geste ; la terreur le clouait, immobile, sous l’œil implacable du guerrier indien.

Don Pablo et Curumilla s’élancèrent hors de la salle et disparurent.

Bientôt on entendit résonner sur les cailloux de la rue les sabots de deux chevaux qui s’éloignaient à fond de train de Santa-Fé.

Grâce aux soins du ranchero, le Cèdre-Rouge parvint enfin à se débarrasser des plis du manteau qui l’étouffaient.

Lorsque les trois complices se retrouvèrent seuls, une expression de rage impuissante et de haine mortelle contracta leur visage.

— Oh ! murmura le squatter en grinçant des dents et en levant le poing vers le ciel, je me vengerai !…