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quelqu’un aux aguets pour voir ce qui ne le regarde pas et en rendre compte à sa manière.

— C’est possible, murmura le premier en haussant les épaules avec dédain ; dans tous les cas, je m’en soucie comme d’un cheval boiteux.

— Et moi ! reprit vivement l’autre, vous figurez-vous, par hasard, que je m’occupe plus que vous de ce que l’on dira ? Mais, tenez, je crois que nous sommes au rancho d’Andrès Garote ; ce doit être cette hideuse masure, si je ne me trompe.

— En effet, c’est ici que nous avons affaire ; pourvu que ce drôle n’ait pas oublié le rendez-vous que je lui ai donné. Attendez, señor padre, je vais lui faire le signal convenu.

— Ce n’est pas la peine, Cèdre-Rouge. Vous savez bien que je suis toujours aux ordres de votre seigneurie, quand il lui plaît de m’en donner, répondit une voix railleuse partant de l’intérieur du rancho, dont la porte s’ouvrit immédiatement pour livrer passage aux nouveaux venus, et laissa voir dans son entrebâillement la haute stature et la figure intelligente et sardonique d’Andrès Garote lui-même.

Ave, Maria purisima ! dirent les voyageurs en descendant de cheval et en entrant dans le rancho.

Sin pecado concebida ! répondit Andrès en prenant la bride des chevaux qu’il conduisit dans le corral, où il les dessella et les mit à même une botte d’alfalfa.

C’étaient bien le Cèdre-Rouge et Fray Ambrosio qui arrivaient à Santa-Fé.

Les voyageurs, fatigués d’une longue route, s’assirent sur des butaques adossées au mur, et attendirent le retour de leur hôte en essuyant leurs fronts