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joie à la vue du missionnaire français pour lequel ils professaient une grande estime et une sincère amitié.

Malgré tous ses soins, Fray Ambrosio avait toujours vu ses avances repoussées par les jeunes gens, auxquels il inspirait instinctivement cette crainte mêlée de dégoût que l’on éprouve à l’aspect d’un reptile.

Doña Clara, qui était très-pieuse, portait si loin cette répulsion qu’elle ne confessait ses fautes et n’approchait de la sainte table que lorsque le père Séraphin, ce qui était excessivement rare, venait passer quelques jours à l’hacienda.

Fray Ambrosio était trop adroit pour paraître s’apercevoir de l’effet que sa présence produisait sur les enfants de l’hacendero ; il feignait d’attribuer à la timidité et à l’indifférence en matière religieuse ce qui n’était en réalité qu’un mépris fortement prononcé pour sa personne.

Mais au fond de son cœur, une sourde haine fermentait contre les jeunes gens, et surtout contre le missionnaire, que plusieurs fois déjà il avait cherché à faire périr dans des guet-apens adroitement préparés.

Le père Séraphin en était toujours sorti sain et sauf par un hasard providentiel ; mais, malgré les avances obséquieuses du chapelain et les offres de services dont il ne cessait de l’accabler chaque fois que tous deux se rencontraient, le missionnaire avait percé à jour le moine mexicain ; il avait deviné quelle épouvantable corruption se cachait sous son apparente bonhomie et sa feinte piété, et tout en conservant au fond de son cœur la certitude qu’il avait acquise, il se tenait sur ses gardes et surveillait avec soin cet homme, qu’il soupçonnait de machiner sans cesse contre lui quelque ténébreuse trahison.