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Enfin, les rayons du soleil perdirent de leur force, la brise du soir se leva et les chasseurs purent reprendre leur route ; ils atteignirent bientôt les bords du Rio-Puerco (Rivière Sale), qu’ils se mirent à remonter en marchant le plus près possible de la rive, dans les sentes tracées de temps immémorial par les bêtes fauves qui viennent se désaltérer.

L’homme auquel les splendides paysages américains sont inconnus aura peine à se figurer l’imposante et sauvage majesté de la prairie que parcouraient les chasseurs.

La rivière, parsemée d’îles couvertes de cotonniers des bois, coulait silencieuse et rapide entre des rives peu élevées et garnies d’herbes si hautes qu’elles suivaient l’impulsion du vent au loin ; dans la vaste plaine étaient disséminées d’innombrables collines dont le sommet, coupé à peu près à la même hauteur, présente une surface plate ; jusqu’à une grande distance vers le nord, le sol était semé de larges dalles de grès, semblables à des pierres tumulaires.

À quelques centaines de pas du fleuve, s’élevait un tertre conique supportant à son sommet un obélisque de granit de cent vingt pieds de haut. Les Indiens, épris, comme tous les peuples primitifs, du fantastique et du bizarre, se réunissent souvent en cet endroit ; c’est là que se font les hécatombes à Kitchi-Manitou.

Un grand nombre de crânes de bisons, amoncelés au pied de la colonne et disposés en cercles, en courbes et autres figures géométriques, attestent leur piété pour ce Dieu de la chasse, dont l’esprit protecteur plane, disent-ils, du haut du monolithe.

Çà et là poussaient et s’épanouissaient par larges touffes la pomme de terre indienne, l’oignon sauvage, la to-