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À quoi bon vous raconter ces choses, à vous, à vous surtout qui vous êtes fait mon bourreau ? Est-ce donc une nouvelle torture que vous voulez m’infliger ?

— Oh ! fit-il avec horreur, pouvez-vous avoir cette pensée ! Hélas ! j’ai été bien coupable envers vous, je le reconnais, pardonnez-moi ! Pardonnez-moi, je vous en conjure ! Je donnerais ma vie pour vous épargner une douleur.

La Gazelle blanche considérait avec un étonnement mêlé de frayeur cet homme presque prosterné devant elle, et dont le rude visage ruisselait de larmes ; elle ne comprenait rien à ses paroles, après la façon dont jusqu’alors il avait agi envers elle.

— Hélas ! murmura-t-elle, mon histoire est celle de tous les infortunés ; il fut un temps où, comme les autres enfants, j’avais des chants d’oiseaux pour bercer mon sommeil, des fleurs qui, au réveil, me souriaient ; j’avais aussi une sœur qui partageait mes jeux, et une mère qui m’aimait et m’embrassait. Tout cela a fui pour toujours.

Le Blood’s Son avait relevé deux perches couvertes de peaux, afin d’abriter la jeune fille contre l’orage qui s’apaisait par degrés.

Elle le regardait faire.

— Je ne sais pourquoi, dit-elle avec mélancolie, j’éprouve le besoin de me confier à vous qui pourtant m’avez fait tant de mal ! D’où vient ce sentiment que votre vue me fait éprouver ? Je devrais vous haïr.

Elle n’acheva pas et se cacha la tête dans ses mains en sanglotant.

— C’est Dieu qui permet qu’il en soit ainsi, pauvre enfant, répondit le Blood’s Son en levant les yeux vers le ciel et en faisant le signe de la croix avec ferveur.