Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Les anciens se sont réunis autour du feu du conseil, ils ont prêté l’oreille aux paroles de l’Araignée ; les vingt jeunes guerriers sont là bouillants de courage et fiers de suivre sur le sentier de la guerre un chef redouté comme mon père.

L’Unicorne sourit avec orgueil à ce compliment ; mais reprenant presque aussitôt l’expression rigide qui était un des caractères habituels de sa physionomie :

— J’ai entendu le chant du cenzontle, dit-il, mon oreille a été frappée des modulations mélodieuses de sa voix. Me suis-je trompé, ou bien a-t-il établi son nid sous l’épais feuillage des chênes ou des mélèzes de cette vallée ?

— Mon père s’est trompé ; ce n’est pas le rossignol dont il a entendu le chant, c’est la voix de l’amie de son cœur dont l’accent a pénétré jusqu’à lui et la fait tressaillir, murmura doucement le Rayon-de-Soleil en s’approchant avec timidité.

Le chef regarda sa femme avec un mélange d’amour et de sévérité.

— Âme de ma vie, lui dit-il, pourquoi avez-vous quitté le village ? Votre place est-elle ici parmi des guerriers ? La femme d’un chef doit-elle, sans y être autorisée, se mettre sur le sentier de la guerre ?

La jeune femme baissa les yeux, deux perles humides tremblèrent à l’extrémité de ses longs cils.

— L’Unicorne est sévère pour sa femme, répondit-elle avec tristesse ; l’hiver s’avance à grands pas, les hauts arbres sont dépouillés de leurs feuilles, la neige tombe à flots pressés sur les montagnes, le Rayon-de-Soleil est inquiet dans sa hutte solitaire, depuis plusieurs lunes déjà, le chef a laissé sa femme seule et s’est éloigné, elle a voulu revoir celui qu’elle aime.