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coup plus vraie et plus juste surtout que celle de tuer le temps, dont nous usons en français.

En effet, si nous parvenons quelquefois à tromper le temps, il finit toujours, tôt ou tard, par nous tuer.

Tant que le père Séraphin demeura auprès d’elle, Mme Guillois supporta assez patiemment l’absence de son fils. Les douces et paternelles exhortations du missionnaire lui faisaient, non pas oublier, parce qu’une mère n’oublie pas, mais s’illusionner sur ce que cette séparation avait de cruel.

Malheureusement le père Séraphin avait à remplir des devoirs impérieux qu’il ne pouvait négliger plus longtemps ; il lui fallut, à son grand regret, reprendre le cours de sa vie errante, afin de recommencer sa mission d’abnégation et de souffrance, en portant au sein des tribus indiennes les lumières de l’Évangile et les secours de la religion.

Le père Séraphin était pour Mme Guillois un anneau de la chaîne qui la rattachait à son fils ; elle pouvait parler de lui avec le missionnaire qui connaissait les plus secrètes pensées de son cœur, et savait d’un mot calmer ses inquiétudes et lui rendre le courage. Mais lorsqu’il partit, pour la première fois, depuis son arrivée en Amérique, elle se trouva réellement seule, et perdit pour ainsi dire son fils de nouveau. Aussi la séparation fut-elle cruelle : il fallut toute sa résignation chrétienne et sa longue habitude de la souffrance pour lui faire supporter le nouveau coup qui la frappait.

La vie indienne est bien triste et bien monotone, surtout l’hiver, au fond des bois, dans des huttes mal construites ouvertes à tous les vents, lorsque les arbres dépouillés de leurs feuilles sont couverts de gi-