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étincelle lumineuse dans son esprit et donner un corps à ses soupçons.

Le squatter, autant que son éducation sauvage le lui permettait, avait toujours été comparativement bon pour elle, la traitant avec une espèce d’affection bourrue, et adoucissant autant que cela lui était possible le timbre rude de sa voix lorsqu’il lui adressait la parole.

Mais depuis le changement qui s’était opéré en lui, cette affection s’était changée en une véritable tendresse.

Il veillait avec sollicitude sur la jeune fille, cherchant continuellement à l’entourer de ce confortable et de ces mille riens qui plaisent tant aux femmes, qu’il est presque impossible de se procurer au désert, et dont pour cela le prix est double pour elles.

Heureux lorsqu’il voyait un léger sourire se jouer sur les lèvres de la pauvre enfant, dont il devinait les souffrances sans en connaître les causes secrètes, il l’examinait avec inquiétude lorsque son teint pâle et ses yeux rougis lui dénonçaient des insomnies et des larmes versées pendant son absence.

Cet homme, chez lequel tout sentiment tendre paraissait être mort, avait senti tout à coup battre son cœur sous la vibration d’une fibre secrète dont il avait toujours ignoré l’existence, il s’était malgré lui trouvé rattaché à l’humanité par la plus sainte des passions, l’amour paternel !

C’était quelque chose de grand et de terrible à la fois que l’affection de cet homme de sang pour cette frêle et délicate jeune fille.

Il y avait de la bête fauve jusque dans les caresses qu’il lui prodiguait : un composé étrange de la tendresse de la mère et de la jalousie du tigre.