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courage, le sommeil, non ; contre lui, la lutte est impossible ; il vous étreint dans ses griffes de fer, et, en quelques minutes, vous renverse haletant et vaincu.

Excepté don Martial, dont l’œil était vif et l’esprit lucide, les autres membres de la caravane ressemblaient à des somnambules : cramponnés tant bien que mal après leurs chevaux, les yeux éteints, la pensée absente, ils couraient sans le savoir, voyageant comme dans un rêve, et en proie à l’horrible cauchemar de cet état sans nom qui n’est ni la veille ni le sommeil, mais seulement la torpeur des sens et l’engourdissement de l’âme.

Cela dura toute la nuit.

On avait fait dix lieues ; les voyageurs étaient rompus.

Cependant au lever du soleil, sous l’influence de ses chauds rayons, ils secouèrent peu à peu l’abattement qui les accablait, ouvrirent les yeux, se redressèrent, regardèrent curieusement autour d’eux, et une foule de questions, ainsi que cela arrive toujours dans ce cas-là, leur monta du cœur aux lèvres.

La caravane avait atteint les bords du Rio del Norte, dont les eaux boueuses forment de ce côté la limite du désert.

Don Martial, après avoir scrupuleusement examiné l’endroit où il se trouvait, s’arrêta sur la plage même.

Les chevaux furent débarrassés des sacs de sable qui leur emprisonnaient les pieds, et on leur donna à manger. Quant aux hommes, ils durent provisoirement se contenter d’une gorgée de refino, afin de reprendre des forces.