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déjà au-dessous de l’horizon, n’éclairait plus la terre que par ces rayonnements changeants, derniers reflets qui brillent longtemps encore après qu’a disparu l’astre-roi.

Marchant à une légère distance l’un de l’autre, don Sylva et le Tigrero jetaient autour d’eux des regards scrutateurs, n’avançant qu’avec prudence et le doigt sur la détente du rifle, dans ce dédale inextricable si favorable à une embuscade indienne et qui pouvait receler tant de pièges.

Ils arrivèrent, enfin auprès de la Casa-Grande, sans que rien d’extraordinaire ne se fût offert à leurs yeux.

La nuit était déjà presque tombée, les objets commençaient à se confondre dans l’ombre. Don Martial, qui se préparait à mettre pied à terre, s’arrêta subitement en poussant un cri d’étonnement et presque d’effroi.

— Qu’y a-t-il ? demanda vivement don Sylva en se retournant et en se rapprochant du Tigrero.

— Regardez, répondit celui-ci en étendant le bras dans la direction d’un bouquet d’arbres rabougris qui avaient poussé au hasard à quelques pas outre les fentes des arbres.

La voix humaine possède une faculté étrange sur les animaux, celle de leurs inspirer une crainte et un respect invincibles. Aux quelques mots échangés par les deux hommes, des cris rauques et confus répondirent aussitôt et sept ou huit vautours fauves s’élevèrent du milieu du bouquet d’arbres et commencèrent à voler lourdement au-dessus de la tête des voyageurs, en formant de larges cercles dans l’air et en continuant leur infernale musique.