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— J’écoute.

— Je vous donne cent onces, si vous voulez me conduire auprès de mon rival.

Canarios ! s’écria le lepero.

— Cent onces, reprit le comte.

— J’entends bien. Cent onces, c’est joli ! mais, voyez-vous, caballero, moi, je suis costeño, de plus lepero. Cette vie du désert ne convient pas à mon tempérament ; elle nuit à ma santé. Je me suis juré de ne pas la continuer plus longtemps : la route est difficile d’ici à la mission de San-Francisco ; il faut entrer dans le grand désert. Non, toutes réflexions faites, c’est impossible.

— C’est fâcheux, répondit froidement le comte.

— Oui.

— Parce que, continua-t-il, je vous aurais donné non pas cent onces, mais deux cents.

— Hein ? fit l’autre en dressant les oreilles.

— Mais, comme vous refusez, car vous refusez, n’est-ce pas ? je vais être, à mon grand regret, contraint de vous faire fusiller.

— Plaît-il ? s’écria le lepero avec un mouvement d’effroi.

— Dame ! reprit le comte avec bonhomie, écoutez donc, mon cher, vous êtes très-adroit en affaires, et, qui sait, comme vous avez déjà trouvé deux faces à celle-ci, j’ai une peur énorme que vous n’en trouviez une troisième.

Et, avant que Cucharès pût s’y opposer, par un mouvement brusque, il s’empara des pistolets qui étaient sur la table.

Le lepero pâlit

— Permettez, permettez, caballero, dit-il d’une