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vigué sur la rivière, afin de ne pas laisser de traces de notre fuite ; au point du jour, nous avions fait quinze lieues. Nous ne craignions plus d’être découverts, nous avons abordé sur la terre ferme ; des Indiens mansos[1] nous ont vendu des chevaux ; don Martial m’a chargé de reconduire le père de la jeune fille à Guaymas, je me suis acquitté de cette commission difficile à mon honneur. Don Sylva ne voulait pas me suivre ; enfin, je suis parvenu à l’amener jusque dans sa maison ; je l’ai laissé là, et j’ai rejoint don Martial, qui m’avait chargé de lui porter certaines choses, et qui m’attendait dans un endroit convenu entre nous.

— Ah ! fit le comte, et pourquoi vous êtes-vous séparés ?

— Mon Dieu ! caballero, nous nous sommes séparés comme cela arrive aux meilleurs amis, par suite d’un malentendu.

— Très-bien ! Il vous a chassé.

— À peu près, je suis forcé d’en convenir.

— Il y a longtemps que vous l’avez quitté ?

Le lepero cligna l’œil droit.

— Non, répondit-il.

— Pouvez-vous me conduire où il se trouve en ce moment ?

— Oui, quand vous voudrez.

— Fort bien. Est-ce loin ?

— Non ; mais, pardon, caballero, tranchons de suite la question, voulez-vous ?

— Voyons ?

  1. Indiens civilisés.