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— Attendez ! dit vivement le chef.

Ce mot était le premier que prononçait l’Indien ; jusqu’à ce moment les trois hommes n’avaient pas échangé une parole.

Belhumeur le regarda.

— Hein ? fit-il ; que se passe-t-il donc de nouveau ?

— Je ne le sais pas encore, répondit le chef ; j’ai entendu des froissements suspects dans les fourrées, et à une grande distance de moi, sous le vent, plusieurs bisons qui paissaient tranquillement ont pris soudain la fuite, sans cause apparente.

— Hum ! reprit le Canadien, ceci devient sérieux. Qu’en pensez-vous, Louis ?

— Dans les déserts, répondit lentement celui-ci, tout a une cause, rien n’arrive par hasard ; je crois, sauf meilleur avis, que nous ferons bien de veiller. Et tenez, ajouta-t-il en levant la tête et désignant à ses amis plusieurs oiseaux qui passaient rapidement au-dessus d’eux, avez-vous vu souvent à cette heure une volée de condors planer dans l’air ?

Le chef secoua la tête.

— Il y a quelque chose, murmura-t-il ; les chiens apaches sont en chasse.

— C’est possible, fit Belhumeur.

— Avant tout, observa le Français, éteignons le feu ; sa lueur, si faible qu’elle soit, pourrait nous trahir.

Ses compagnons suivirent son conseil, le feu fut éteint en un clin d’œil.

— Mon frère le visage pâle est prudent, dit avec courtoisie le chef ; il connaît le désert ; je suis heureux de le voir auprès de moi.