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— Et que cet autre l’aime.

— Tant pis pour lui, car je ne la lui céderai pas, je vous le jure.

— Vous vous trompez, señor conde, vous la lui céderez, ou vous mourrez.

— Ni l’un ni l’autre ! s’écria l’impétueux Français, parfaitement remis du choc brutal qu’il avait reçu. Je vous répète que j’épouserai doña Anita. Si elle ne m’aime pas, ce dont je doute, eh bien, c’est un malheur ; j’espère que, plus tard, elle changera d’opinion à mon égard ; ce mariage me convient, nul ne parviendra à le rompre.

L’inconnu l’avait écouté en proie à une émotion violente ; ses yeux lançaient des éclairs et il frappait du pied avec fureur ; cependant il fit un effort pour dominer le sentiment qui l’agitait et répondit d’une voix lente et ferme :

— Prenez garde à ce que vous ferez, caballero ; j’ai juré de vous avertir, je vous avertis loyalement, bravement ! Dieu veuille que mes paroles trouvent de l’écho dans votre cœur et que vous suiviez le conseil que je vous donne !… La première fois que le hasard nous replacera en présence, un de nous deux mourra.

— Je prendrai mes précautions, soyez tranquille ; seulement vous avez tort de ne pas profiter, pour me tuer, de l’occasion qui se présente aujourd’hui, car vous ne la retrouverez plus.

Les deux étrangers s’étaient remis en selle.

— Comte de Lhorailles, dit encore l’inconnu en se penchant vers le Français, pour la dernière fois, prenez garde, j’ai sur vous un grand avantage : je vous connais et vous vous ne me connaissez pas ;