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LA FIÈVRE D’OR.

tasajo et des tortillas de maïs arrosées de pulque et de mescal, ils s’enveloppèrent avec soin dans leurs zarapès, s’étendirent sur la terre, les pieds au feu, et bientôt ils semblèrent plongés dans un profond sommeil.

Don Cornelio reprit sa jarana, et s’adossant au tronc d’un mélèze il chanta à demi-voix, tout en s’accompagnant en sourdine, une de ces interminables chansons du romancero espagnol afin de se tenir éveillé en attendant le retour de son associé.

Le campement où se trouvaient nos personnages ne manquait certes pas d’un aspect pittoresque, aux lueurs incertaines du feu qui se reflétaient fantastiquement sur les têtes de cent ou cent cinquante novillos couchés près les uns des autres, ruminant ou dormant, et des chevaux qui broyaient leur provende à pleine bouche, en renâclant et frappant du pied, tandis que l’Espagnol râclait sa guitare et que les deux chasseurs dormaient paisiblement. Cette scène, si simple et si singulière à la fois, était digne du crayon de Callot, le peintre de la fantaisie.

Deux heures s’écoulèrent ainsi sans que rien vînt troubler le repos dont jouissait le campement ; la lune baissait de plus en plus à l’horizon. Les doigts de don Cornelio s’engourdissaient, ses yeux se fermaient, et parfois, malgré ses efforts pour demeurer éveillé, sa tête tombait sur sa poitrine. En désespoir de cause, l’Espagnol, vaincu malgré lui par la fatigue, allait s’abandonner au sommeil qui l’accablait, lorsqu’un bruit soudain le tira brusquement de la somnolence qui l’envahissait, et lui rendit la plénitude de ses idées et de ses autres facultés.

Peu à peu ce bruit, vague d’abord et indistinct, de-