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LA FIÈVRE D’OR.

L’un des voyageurs releva alors la tête, et regardant bien en face l’indiscret mesonero :

— Si on vous le demande, fit-il d’un ton goguenard, vous répondrez que vous ne le savez pas. Allez, mon brave homme, faites-nous servir, et soufflez votre propre puchero[1] sans vous occuper du nôtre ; vous pourriez le trouver trop chaud pour vous.

L’hôtelier baissa les épaules, et s’esquiva d’autant plus lestement qu’il venait d’apercevoir le colonel, qui en ce moment même entrait dans le patio, et qu’il ne se souciait pas de se rencontrer avec lui.

Les deux étrangers échangèrent un sourire entre eux, et sans plus de conversation, ils surveillèrent le péon, qui faisait manger à leurs chevaux la provende qu’ils avaient commandée.

Don Sébastian était prêt à partir ; il venait donner un dernier coup d’œil aux chevaux avant de faire descendre sa fille.

Don Cornelio s’approcha de lui dès qu’il l’aperçut, et après lui avoir souhaité le bonjour, il le tira un peu à l’écart, et lui parlant bas :

— Voyez donc, colonel, lui dit-il en lui désignant les étrangers, voilà de rudes compagnons, si je ne me trompe.

— En effet, répondit don Sébastian ; je ne les avais pas encore aperçus.

— Ils ne font que d’arriver ; ce seraient de bonnes recrues ajoutées à notre troupe, s’ils consentaient à venir avec nous. Qu’en pensez-vous ?

  1. Expression proverbiale qui signifie littéralement : soufflez votre pot-au-feu.