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LA FIÈVRE D’OR.

Le vieux partisan, placé en face d’une fenêtre, put à son aise examiner le fils de son ami sans être aperçu de lui ; il ne put réprimer un sourire de satisfaction à l’aspect du vigoureux jeune homme, aux traits altiers empreints d’audace, de sauvagerie et de timidité, et aux membres bien découplés, qui s’offrit à sa vue.

— Quel malheur, murmura-t-il à part lui, si une si belle nature s’usait ici sans profit pour les autres ni pour elle-même ! Ce ne sera pas de ma faute si je ne parviens pas à faire sortir ce garçon de l’état de léthargie dans lequel il est plongé ; je dois bien cela au souvenir de son pauvre père.

Tout en faisant ces réflexions, comme il entendit un cliquetis d’éperons dans la salle qui précédait celle où il se trouvait, il se laissa retomber dans sa butacca et reprit sa physionomie impassible et indifférente.

Don Sébastian entra ; il y avait plusieurs années qu’il n’avait vu le capitaine. L’accueil qu’il lui fit, bien qu’un peu gauche et embarrassé, fut cependant affectueux.

Après les premiers compliments, les deux interlocuteurs prirent place en face l’un de l’autre.

— Eh bien ! muchacho, dit le capitaine en entamant brusquement l’entretien, tu ne t’attendais guère à ma visite, hein ?

— Je vous avoue, capitaine, que j’étais en effet loin de supposer que vous viendriez me voir. À quel heureux hasard dois-je le plaisir de vous posséder chez moi ?

— Je te dirai cela plus tard, muchacho ; quant à présent, nous causerons d’autre chose, si cela t’est égal.