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LA FIÈVRE D’OR.

éperons et le long sabre au fourreau d’acier résonnaient avec bruit sur les dalles des chambres de l’hacienda, vint apporter la vie dans cette demeure qui semblait depuis si longtemps vouée au silence et à la morne tranquillité du cloître.

Comme tous les vieux soldats, le capitaine don Isidro avait la voix rude, l’accentuation brève et le timbre haut : ses manières étaient brusques, mais son caractère était gai et doué d’une grande égalité d’humeur.

Lorsqu’il entra, don Sébastian était en chasse, l’hacienda semblait inhabitée.

Le capitaine eut d’abord énormément de peine à rencontrer quelqu’un à qui parler dans cette habitation qui semblait déserte ; enfin à force de recherche, il parvint à découvrir un péon à demi endormi sous une verandah, qui répondit tant bien que mal aux questions qu’il lui adressait.

Ce fut ainsi, à force de patience et de questions faites avec la ruse particulière aux Mexicains, que le capitaine parvint à obtenir quelques renseignements précieux de son interlocuteur.

La mort de don Eustaquio, nous devons rendre cette justice au digne soldat, ne l’étonna que médiocrement ; il s’y attendait, pour ainsi dire, dès qu’on lui eut appris la mort de la señora Guerrero, pour laquelle il savait que son vieux compagnon professait un si grand amour ; mais en apprenant la vie oisive et inutile que menait don Sébastian depuis la mort de son père, le capitaine se livra à une colère furieuse et jura par tous les saints du calendrier espagnol (et Dieu sait s’ils sont nombreux) que cet état de choses ne durerait pas plus longtemps.