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LA FIÈVRE D’OR.

— Je suis à vos ordres, dit-il.

— Venez, reprit-elle.

La jeune fille se détourna et s’éloigna d’un pas rapide, suivie de près par l’Espagnol.

Don Cornelio, de même que tous les aventuriers que les hasards d’une vie beaucoup trop accidentée en Europe avaient jetés sur les plages américaines, nourrissait au fond du cœur un secret espoir, celui de rétablir tout à coup, par un riche mariage, sa fortune plus que compromise. Plusieurs exemples, bien que rares à la vérité, de mariages contractés de cette façon romanesque, avaient ancré d’une manière immuable cette idée dans la cervelle tant soit peu éventée de l’Espagnol.

Il était jeune, noble, beau, du moins il le croyait, il possédait donc tout ce qu’il fallait pour réussir ; il est vrai que, jusqu’à ce moment, la fortune n’avait pas encore paru daigner lui sourire ; aucune jeune fille n’avait semblé se soucier de ses œillades assassines, ni voulu répondre à ses avances intéressées ; mais ce mauvais succès ne l’avait nullement rebuté, et ce qui lui arrivait en ce moment avait l’air de donner raison à ses prévisions, en lui offrant, lorsqu’il y comptait le moins, cette occasion si longtemps attendue.

Une seule chose attristait son front et troublait la joie intérieure qu’il éprouvait, le délabrement de son costume fort maltraité par les ronces, et écorché par les pointes aigües des rochers pendant le long voyage qu’il avait fait en Sonore ; mais avec cette fatuité caractéristique qui est innée chez les Espagnols, il se consola en réfléchissant que ses avantages personnels compenseraient largement le