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LA FIÈVRE D’OR.

longue queue de cheveux qui pendait derrière le dos du chef et la trancha avec son couteau.

— Maintenant, ajouta-t-il en le souffletant avec la tresse qu’il venait de lui ravir, pars, misérable, tu es libre ; je te dédaigne trop pour t’infliger une autre punition que celle que tu viens de subir ; retourne dans ta tribu et dis à tes amis comment les blancs se vengent d’ennemis aussi méprisables que toi et ceux qui te ressemblent.

À l’insulte mortelle qu’il avait reçue, les traits de l’Indien, décomposés par la fureur, étaient devenus hideux ; il éprouva un instant de stupeur, causé par la honte et la colère ; mais par un effort surnaturel il dompta subitement l’émotion qu’il éprouvait, il saisit le bras de don Luis, et approchant son visage du sien :

— Mixcoatzin est un chef puissant, dit-il d’une voix creuse, que le yori se rappelle son nom, car il le reverra.

Et bondissant comme un tigre aux abois, il s’élança dans la plaine, où il disparut presqu’aussitôt.

— Arrêtez ! s’écria Louis à ses amis, qui se précipitaient à sa poursuite, laissez le fuir ; que m’importe la haine de ce misérable ! il ne peut rien contre moi.

Les chasseurs revinrent de mauvaise grâce reprendre leur place autour du feu.

— Hum ! ajouta Louis, j’ai peut-être commis une sottise.

Valentin le regarda.

— Pis qu’une sottise, frère, lui dit-il, une maladresse ; prends garde à cet homme, un jour ou l’autre il se vengera de toi.