Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
86
L’ÉCLAIREUR.

pauvre créature a été enterrée vive ! Mais si cela est, il y a là-dessous une odieuse machination.

— Ma foi, puisqu’il faut vous l’avouer, j’en ai peur ! dit le Canadien d’une voix peu assurée ; cependant cet homme m’a rendu un grand service, je n’ai aucune preuve à l’appui de mes soupçons, et…

Bon-Affût se leva, et se plaçant en face du chasseur :

— Balle-Franche, lui dit-il d’une voix sévère, nous sommes compatriotes, nous nous aimons comme deux frères ; pendant de longues années nous avons dormi côte à côte dans la Prairie, partageant entre nous la bonne et la mauvaise fortune, nous sauvant cent fois la vie l’un à l’autre, soit dans nos luttes contre les bêtes fauves, soit dans nos combats contre les Indiens ; est-ce vrai ?

— C’est vrai, Bon-Affût, c’est vrai, et celui qui dirait le contraire en aurait menti ! répondit le chasseur avec émotion.

— Mon ami, mon frère, un grand crime a été commis ou est sur le point de se commettre ; prenons garde, veillons, veillons avec soin ; qui sait, si nous ne sommes pas les instruments choisis par la Providence pour démasquer les coupables et faire triompher les innocents ! Ce don José, m’avez-vous dit désire que je me joigne à vous, fort bien, j’accepte ; vous, Ruperto et moi, nous allons nous rendre au gué del Rubio, et croyez-moi, mon ami, maintenant que je suis averti, quel que soit le coupable, je le découvrirai.

— J’aime mieux qu’il en soit ainsi, répondit naïvement le chasseur. J’avoue que la position étrange dans laquelle je me trouvais me pesait singulièrement. Je ne suis qu’un pauvre chasseur, moi, qui ne comprend rien à toutes ces infamies des villes.

— Vous êtes un homme honnête dont le cœur est juste et l’esprit droit ; mais le temps se passe ; maintenant que