Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
L’ÉCLAIREUR.

rieure ; celle-ci n’essaya aucunement de se défendre. Elle demeura immobile, impassible en apparence ; cependant un froncement imperceptible de ses sourcils témoignait de l’émotion intérieure qu’elle éprouvait.

— C’est votre dernier mot, señora, demanda don Torribio ?

— Faites votre office, bourreaux, répondit-elle avec mépris, essayez de vaincre la volonté d’une vieille femme.

— C’est ce que nous allons faire ; allez ! commanda-t-il.

Les deux bandits se mirent en devoir d’obéir à leur chef.

— Arrêtez, au nom du Dieu vivant ! s’écria une jeune fille en se précipitant résolument devant la supérieure et repoussant les bandits.

Cette jeune fille était la novice avec laquelle causait l’abbesse au moment de l’invasion du couvent.

Il y eut une seconde d’hésitation suprême.

— Taisez-vous, je vous l’ordonne, s’écria l’abbesse ; laissez-moi souffrir, Dieu nous voit.

— C’est justement parce qu’il nous voit que je parlerai, répondit péremptoirement la jeune fille, c’est lui qui a envoyé ici ces hommes que je ne connais pas pour empêcher un grand crime. Suivez-moi, caballeros, vous n’avez pas un instant à perdre, je vais vous conduire aux caveaux.

— Malheureuse ! reprit l’abbesse en se débattant avec rage entre les mains de ceux qui la contenaient, malheureuse, c’est sur toi que retombera ma colère.

— Je le sais, répondit tristement la jeune fille, mais aucune considération personnelle ne m’empêchera d’accomplir un devoir sacré.

— Bâillonnez cette vieille coquine ! il faut en finir ! ordonna le chef.

L’ordre fut immédiatement exécuté ; malgré sa résistance désespérée la supérieure fut en quelques minutes réduite à l’impuissance.