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L’ÉCLAIREUR.

nuit vint. Tout était prêt pour le départ. Les captives, placées chacune dans un hamac suspendu aux épaules de quatre vigoureux esclaves, furent transportées sur le sommet du monticule choisi pour l’opération, et déposées doucement sur la peau de vigogne que l’on y avait étendue. Le grand-prêtre, d’après l’ordre de Bon-Affût, pinça en sentinelle aux quatre points cardinaux les guerriers qu’il avait amenés. Alors Bon-Affût prononça quelques paroles mystérieuses auxquelles don Miguel répondit à voix basse, brûla quelques pincées d’une herbe odoriférante et ordonna aux Indiens et au grand-prêtre de s’agenouiller pour implorer le dieu inconnu — Teolt.

Don Miguel, pendant ce temps-là, plongeait son regard sur la ville, cherchant à distinguer s’il ne s’y passait rien d’extraordinaire. Tout était calme, le plus profond silence régnait dans la campagne. Les deux chasseurs qui s’étaient agenouillés, eux aussi, se relevèrent.

— Que mes frères redoublent de prières, dit don Miguel d’une voix sombre, je vais contraindre le méchant esprit à se retirer du corps des captives.

Malgré elles, les jeunes filles firent un mouvement d’effroi à ces paroles. Don Miguel ne parut pas le remarquer ; il fit un signe à Bon-Affût.

— Que mes frères approchent, commanda celui-ci.

Les sentinelles s’avancèrent avec une hésitation qui menaçait de dégénérer en frayeur au moindre mouvement suspect des médecins.

Don Miguel reprit alors la parole :

— Mon frère et moi, dit-il, nous allons nous remettre en prières ; mais, pour empêcher le méchant esprit de s’emparer de vous en abandonnant les captives, mon frère Deux-Lapins vous versera à chacun une corne d’une eau de feu préparée et douée par le Wacondah de la vertu de sauver ceux qui en boivent de l’atteinte du méchant esprit.