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L’ÉCLAIREUR.

Maintenant ils commençaient à y voir assez pour se diriger sans hésitation et reconnaître les environs à une certaine distance.

Balle-Franche ne s’arrangeait que médiocrement du silence opiniâtre de son compagnon ; le digne chasseur aimait assez à parler, surtout dans des circonstances semblables à celles dans lesquelles il se trouvait en ce moment ; aussi résolut-il de faire causer son compagnon, d’abord afin d’entendre la voix humaine, raison que ne comprendront probablement pas les gens dont la vie, heureusement pour eux, s’est passée sédentaire et exempte de ces grands orages du cœur qui donnent cependant tant de charme à l’existence ; la seconde raison du chasseur était non moins péremptoire que la première : maintenant qu’il était embarqué dans cette entreprise désespérée, il n’était pas fâché de demander certains renseignements à don Miguel, afin de savoir comment celui-ci prétendait agir et quel plan de conduite il comptait adopter.

Aussi, près de la ville, dans une campagne entièrement découverte, il n’y avait pour les aventuriers que très-peu de risque de rencontrer des Indiens ; les seuls qu’ils étaient exposés à voir étaient des batteurs d’estrade chargés d’aller à la découverte, au cas peu probable où les Indiens, contrairement à leurs usages habituels de ne pas faire un mouvement quelconque pendant la nuit, eussent jugé nécessaire d’envoyer quelques hommes pour surveiller les alentours.

Les deux hommes pouvaient donc, pour ainsi dire sans danger, à moins d’un hasard extraordinaire, causer entre eux en ayant, bien entendu, le soin de ne parler qu’à voix basse et de tenir constamment les yeux et les oreilles en vedette pour signaler le danger aussitôt qu’il se manifesterait.

Balle-Franche après avoir toussé légèrement afin d’atti-