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L’ÉCLAIREUR.

lecteur, pour bien lui faire comprendre le motif de la confiance avec laquelle les Indiens avaient accueilli les paroles du chasseur. Dans ces contrées, les devins sont comme les favoris de la divinité et jouissent d’un pouvoir surnaturel sans bornes ; comme chez les Peaux-Rouges, la pratique de la médecine n’est, à proprement parler, qu’une affectation de pratiques religieuses mêlées de jongleries ridicules, les médecins sont naturellement considérés comme devins et respectés comme tels. Et qu’on ne pense pas que le vulgaire seul est imbu de cette croyance : les chefs, les guerriers, les prêtres eux-mêmes, ainsi que nous l’avons démontré plus haut, sans leur accorder peut-être une puissance aussi absolue, leur reconnaissent cependant une supériorité marquée sur eux.

Pendant les derniers événements que nous avons rapportés, la nuit était venue, mais une de ces nuits américaines, si calmes et si douces, pleines de parfums enivrants ; une lueur faible et suave pleuvait des étoiles, dont l’innombrable armée plaquait le ciel d’un bleu profond de leur étincelante lumière ; la lune se jouait dans l’éther et dardait sur la ville endormie ses rayons argentés qui donnaient aux objets un aspect fantastique ; un silence religieux planait sur la cité. Le chasseur suivit des yeux les deux individus aussi longtemps qu’il put les apercevoir, puis il se mit en devoir de traverser la place afin de se rendre au temple.

La journée avait été rude pour le Canadien ; il lui avait fallu faire à chaque instant preuve de présence d’esprit, lutter de ruse et de finesse avec des hommes dont les yeux clairvoyants sans cesse fixés sur lui avaient été maintes fois sur le point de découvrir le loup caché sous la peau de l’agneau ; cependant il s’était vaillamment tiré des épreuves qu’il avait eues à soutenir, et de la façon dont les choses avaient tourné, il avait toutes raisons de croire qu’il réus-