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L’ÉCLAIREUR.

court espace de temps, qui oblige mon frère à changer aussi brusquement d’opinion ? demanda le chasseur subitement intéressé, et redoutant d’apprendre une mauvaise nouvelle.

— Les faces pâles sont aux environs de la ville : on les a vues. Elles sont nombreuses et bien armées.

— Cela n’est pas, mon père se trompe ; ce sont des poltrons ou des vieilles femmes qui auront eu peur de leur ombre et auront fait courir ce bruit, répondit le Canadien, dont un frisson de terreur parcourut tous les membres.

— Ceux qui ont apporté cette nouvelle ne sont ni des poltrons qui ont peur de leur ombre ni des vieilles femmes bavardes, ce sont des chefs renommés ; aujourd’hui, au grand conseil, ils ont annoncé la présence d’un fort parti de visages pâles, cachés dans la forêt dont les arbres ont étendu pendant si longtemps leurs ramures protectrices devant nous pour nous dérober aux regards perçants de nos ennemis.

— Ces hommes, si nombreux qu’ils soient, à moins de former une véritable armée, ne se hasarderont pas à attaquer une ville aussi forte que celle-ci, défendue par d’épaisses murailles et renfermant un nombre considérable de guerriers d’élite.

— Peut-être ; qui peut le savoir ? Dans tous les cas, si les visages pâles ne nous attaquent pas, c’est nous qui les attaquerons : il faut que pas un d’entre eux ne revoie les terres des visages pâles ; notre sécurité et notre sûreté dans l’avenir l’exigent.

— Oui, cela doit être ainsi ; mais êtes-vous bien sûrs que les chefs dont vous parlez et dont j’ignore les noms ne vous aient pas trompé et ne soient pas des traîtres ?

Atoyac s’arrêta et lança un regard perçant au Canadien, qui le soutint d’un air calme, avec un visage impassible.