Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
379
L’ÉCLAIREUR.

colère implacable du Wacondah contre les enfants de la famille rouge.

— Mon frère ne parle que trop bien : jadis notre race était toute-puissante, maintenant elle est tombée plus bas que les esclaves les plus vils, sans même qu’il lui reste l’espoir de se relever jamais.

— Que sont devenus les puissants empereurs de l’Anahuac qui commandaient à toute la terre ? Des villes sans nombre qu’ils ont fondées, cinq seulement composent aujourd’hui le territoire de Tlapallan[1] ; elles sont les derniers refuges des enfants de Quetzalcoalt[2], qui sont contraints de s’y cacher comme les daims timides, au lieu de fouler hardiment les contrées possédées dans les anciens jours par leurs ancêtres.

— Mais grâces soient rendues au Wacondah, dont la puissance est infinie ; ces cinq villes sont complètement à l’abri des insultes des Gachupines.

Atoyac hocha tristement la tête.

— Mon père se trompe, dit-il : en quel lieu ignoré les faces pâles ne pénètrent-elles pas ?

— C’est possible, elles atteignent tous les buts ; mais jusqu’à présent aucune face pâle n’a pénétré jusqu’à Quiepaa-Tani ; elles n’ont pu franchir les montagnes et traverser les déserts derrière lesquels la ville sacrée s’élève calme et paisible, se riant des vains efforts de ses ennemis pour la découvrir.

— Il y a deux soleils à peine, j’aurais parlé comme mon père, je me serais réjoui avec lui de cette ignorance des faces pâles ; mais aujourd’hui cela ne m’est plus possible.

— Comment cela ? Qu’est-il donc survenu dans un si

  1. Littéralement « pays rouge, » de tlapalli, rouge.
  2. Civilisateur du Mexique ; ce nom vient de quetzalli, plume, et coalt, serpent ; il signifie « serpent couvert de plumes. »