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L’ÉCLAIREUR.

Quelques minutes plus tard, les chasseurs atteignirent le passage.

Cependant plusieurs Apaches étaient parvenus à la nage jusqu’à l’île ; aussitôt sortis de l’eau, ils se mirent à la poursuite des blancs, en courant le long de la berge ; faute de mieux, ils leurs jetaient des pierres, car ils ne pouvaient se servir de leurs rifles mouillés, et ils avaient perdu leurs arcs et leurs flèches par suite de leur brusque plongeon dans la rivière.

Toutes primitives que fussent les armes employées en ce moment par les Apaches, cependant Bon-Affût recommanda à ses compagnons de redoubler d’efforts, afin d’être le plus tôt possible à l’abri des projectiles énormes qui, de derrière toutes les touffes d’herbe et tous les accidents de terrain, pleuvaient drus comme grêle autour de la pirogue ; car les Peaux-Rouges, selon leur habitude, avaient un soin extrême de ne pas rester à découvert, de crainte des balles.

Cependant cette situation devenait insoutenable, il fallait en sortir ; le chasseur qui guettait attentivement l’occasion de donner une leçon sévère à ses ennemis acharnés, crut enfin l’avoir trouvée : il vit à quelques mètres de lui, sur la rive, un buisson de floripondios s’agiter légèrement ; épaulant vivement son rifle, il ajusta et lâcha la détente.

Un cri terrible s’échappa du fouillis de floripondios, de cañaverales, de lianes et de plantes aquatiques qui formaient ce buisson, et un Apache, bondissant comme un tigre blessé, en sortit dans l’intention d’aller s’abriter plus loin derrière les arbres verts qui s’élevaient à peu de distance dans l’intérieur de l’île. Bon-Affût, qui avait rechargé son rifle en toute hâte, le baissa dans la direction du fuyard, mais il le releva aussitôt.

L’Apache venait de tomber sur le sable, et se roulait dans les dernières convulsions de l’agonie.