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L’ÉCLAIREUR.

un dernier regard autour de lui, se pencha vers ses compagnons, et leur dit dit quelques mots à voix basse.

Immédiatement ceux-ci rentrèrent les pagaies, et saisissant leurs rifles, s’agenouillèrent en appuyant leur arme sur le plat-bord de l’embarcation, après toutefois avoir fait glisser une seconde balle dans le canon.

Bon-Affût avait fait de même.

— Y sommes-nous ? demanda-t-il au bout d’un instant.

— Oui ! répondirent les aventuriers.

— Feu alors ! et tirons bas.

Les cinq détonations se confondirent en une seule.

Nous avons fait observer que les deux embarcations étaient excessivement rapprochées l’une de l’autre.

— Aux pagaies maintenant ! et vivement ! cria le chasseur en donnant l’exemple, comme toujours.

Huit bras reprirent les pagaies, la légère pirogue recommença à voler sur l’eau. Seul, le chasseur rechargea son rifle et attendit agenouillé, prêt à tirer.

L’effet de la décharge des blancs se fit bientôt connaître : les cinq coups de feu, dirigés tous vers le même endroit, avaient ouvert une énorme brèche au flanc de l’embarcation indienne, juste au niveau de la flottaison.

Des cris d’effroi et de douleur s’élevèrent du groupe d’Apaches qui sautèrent à l’eau les uns après les autres, nageant dans toutes les directions. Quant à la pirogue, abandonnée à elle-même, elle dériva un instant, s’emplit d’eau peu à peu, et finit par couler bas.

Les aventuriers, se croyant débarrassés de leurs ennemis, ralentirent pour un instant leurs efforts.

Tout à coup l’Aigle-Volant leva sa pagaie, tandis que Bon-Affût saisissait son rifle par le canon. Deux Apaches aux membres athlétiques et aux regards féroces cherchaient à s’accrocher à la pirogue pour la faire chavirer. Ils retombèrent bientôt la tête fendue et roulèrent au fil de l’eau.