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L’ÉCLAIREUR.

meur terrible éclata comme un coup de tonnerre et vibra dans l’espace.

Le corps de l’Apache tué par Bon-Affût avait, pendant quelques minutes suivi le fil de l’eau, puis il s’était arrêté dans des herbes et des bois morts, juste en face d’un campement indien auprès duquel les aventuriers étaient passés quelques heures auparavant sans le soupçonner.

À la vue du cadavre de leur frère, les Peaux-Rouges avaient poussé le formidable rugissement de douleur dont nous avons parlé, et s’étaient précipités en tumulte vers le rivage en se désignant du doigt la pirogue.

Bon-Affût, se voyant découvert, saisit les pagaies, et aidé par l’Aigle-Volant et Domingo, en quelques instants il se mit hors d’atteinte.

Les Apaches déconcertés, furieux de cette fuite, et ne sachant à qui ils avaient affaire, gesticulèrent en accablant leurs ennemis inconnus de toutes les insultes que la langue indienne put leur fournir, les traitant de lapins, de canards, de chiens, de hiboux et autres épithètes empruntées à la nomenclature des animaux qu’ils haïssent ou méprisent.

Le chasseur et ses compagnons s’inquiétaient peu de ces injures impuissantes : ils continuaient à pagayer vigoureusement, ce qui rétablissait dans leurs membres la circulation du sang.

Cependant les Indiens changèrent de tactique : plusieurs longues flèches barbelées furent lancées sur la pirogue, quelques coups de fusil même furent tirés ; mais la distance était trop grande, l’eau seule fut fouettée par les balles.

La nuit se passa ainsi.

Les aventuriers pagayaient avec ardeur, car ils avaient reconnu que la rivière, à l’aide de ses nombreux détours, se rapprochait sensiblement de la forêt qu’ils avaient tant