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L’ÉCLAIREUR.

couteau de sa ceinture, et retenant sa respiration, il s’accroupit dans la rivière, en ne laissant que le haut de son visage à la surface de l’eau.

Ce qu’il avait espéré arriva : au bout d’un instant, il vit briller dans l’ombre, comme deux charbons ardents, les yeux d’un Indien qui nageait derrière la pirogue et la poussait avec le bras. Le Peau-Rouge tenait sa tête au niveau de l’eau en jetant autour de lui des regards investigateurs.

Le Canadien reconnut un Apache. Soudain les yeux de cet homme se fixèrent sur le chasseur ; celui-ci jugea qu’il fallait en finir : s’élançant avec la souplesse et la rapidité d’un jaguar, il saisit son ennemi à la gorge ; sans lui donner le temps de pousser un cri d’alarme, il lui plongea son couteau dans le cœur.

Le visage de l’Apache devint noir, ses yeux s’ouvrirent démesurément, il battit un instant l’eau avec ses jambes et ses bras ; mais bientôt ses membres se roidirent, une convulsion suprême agita tout tous son corps, il disparut emporté par le courant et laissant derrière lui un léger sillon rougeâtre.

Il était mort.

Le Canadien, sans perdre un instant, enjamba la pirogue, et s’accrochant aux roseaux, il regarda du côté où il avait laissé ses compagnons. Ceux-ci, réveillés par l’Aigle-Volant, s’étaient approchés avec précaution, emportant avec eux le rifle abandonné sur le rivage par le chasseur.

Aussitôt qu’ils furent réunis, ils dégagèrent la pirogue des roseaux qui lui barraient te passage, et d’après le conseil de Bon-Affût, après s’être embarqués, avoir mis l’embarcation en pleine eau et lui avoir fait prendre le courant, ils s’étendirent au fond.

Depuis quelques temps déjà ils dérivaient ainsi doucement, se croyant à l’abri des ennemis invisibles qu’ils soupçonnaient cachés autour d’eux, lorsque soudain une cla-