Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
L’ÉCLAIREUR.

Les aventuriers, sans répondre, allongèrent le pas en hommes qui appréciaient parfaitement la valeur de la promesse qui leur était faite.

La nuit était complète lorsqu’ils atteignirent, non pas la forêt, mais les bords d’une rivière assez large dont les hautes herbes leur avaient dérobé le voisinage, bien que depuis quelque instants ils entendissent le murmure continu de l’eau sur les cailloux de la rive. Bon-Affût résolut d’attendre au lendemain pour chercher un gué.

On campa ; mais, par prudence, le feu ne fut pas allumé, les aventuriers se roulèrent dans leurs zarapés après avoir pris un maigre repas, et ne tardèrent pas à s’endormir.

Seul, Bon-Affût veillait.

Cependant la lune descendait à l’horizon, les étoiles commençaient à blanchir et à s’éteindre dans les profondeurs du ciel ; le chasseur, dont la fatigue fermait malgré lui les yeux, allait s’abandonner au sommeil, lorsque tout à coup un bruit étrange, inattendu, le fit tressaillir. Il se redressa comme frappé par une commotion électrique, et prêta l’oreille. Un léger frémissement agitait les roseaux qui bordaient la rivière, dont l’eau calme et immobile semblait un long ruban d’argent. Il n’y avait pas un souffle de vent dans l’air.

Le chasseur posa la main sur l’épaule de l’Aigle-Volant ; celui-ci ouvrit les yeux et le regarda.

— Les Indiens ! murmura le Canadien à l’oreille du chef.

Puis, rampant sur les mains et sur les genoux, il se glissa sur la berge et se mit à l’eau.

Alors il regarda autour de lui.

La lune répandait une clarté suffisante pour laisser distinguer le paysage à une assez grande distance.

Le chasseur, malgré l’attention avec laquelle il inspectait les environs, ne vit rien. Tout était calme. Il attendit, le regard fixe et l’oreille au guet.