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L’ÉCLAIREUR.

Celui-ci les avait enfermées dans le Ciualt-expan, habité par les vierges du soleil.

Bien que prisonnières, elles étaient traités avec les plus grands égards, d’après l’ordre qu’en avait donné Addick, et elles auraient peut-être supporté les ennuis de leur injuste captivité avec patience, si une inquiétude profonde sur le sort qui leur était réservé et une tristesse invincible, résultant des événements dont elles avaient été victimes et des circonstances terribles qui les avaient amenées au point où elles se trouvaient, en les séparant brusquement de leur dernier défenseur, ne s’étaient emparées d’elles.

Ce fut alors que se dessina nettement la différence de caractères des deux amies.

Doña Laura, habituée aux hommages empressés des brillants cavaliers qui fréquentaient la maison de son père et aux jouissances de la vie molle et luxueuse, qui est celle de toutes les riches familles mexicaines, souffrit en se sentant privée brutalement des joies et des caresses dont son enfance avait été entourée ; oubliant les tortures du couvent pour ne se souvenir que des joies de la maison paternelle, et incapable de résister au chagrin qui la dévorait, elle tomba dans un état de découragement et de torpeur qu’elle n’essaya pas même de combattre.

Doña Luisa, au contraire, qui trouvait dans sa nouvelle condition peu de changement avec son état de novice, tout en déplorant le coup qui la frappait, le subit avec courage et résignation ; son âme fortement trempée accepta l’infortune comme la conséquence de son dévouement à son amie.

À son insu peut-être, depuis quelque temps un autre sentiment s’était glissé dans le cœur de la jeune fille, sentiment qu’elle ne cherchait pas à s’expliquer, de la force duquel elle ne se rendait pas bien compte, mais qui doublait son courage et lui faisait espérer une délivrance, sinon prompte,