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L’ÉCLAIREUR.

Balle-Franche, immobile sur le rivage, suivit des yeux leur passage d’un bout à l’autre ; il les vit prendre terre ; don Mariano se retourna, fit un geste de la main droite, et les trois hommes s’enfoncèrent dans les hautes herbes. Dès qu’ils eurent disparu, Balle-Franche fit volter son cheval et regagna ! e couvert de la forêt vierge. Le chasseur paraissait en proie à une grande préoccupation ; enfin, arrivé à un certain endroit, il s’arrêta et jeta autour de lui un regard soupçonneux et investigateur. Le silence le plus profond et la tranquillité la plus complète régnaient aux environs.

— Il le faut ! murmura le chasseur ; ne pas agir ainsi serait plus qu’un crime, ce serait une lâcheté ! Allons, Dieu jugera entre nous !

Après avoir une dernière fois examiné avec soin les environs, rassuré probablement par le silence et la solitude, il mit pied à terre, défit la bride de son cheval, afin qu’il pût paître à son gré, l’entrava pour qu’il ne s’éloignât pas trop et qu’il lui fut facile de le retrouver dès qu’il en aurait besoin, jeta son rifle sur l’épaule, et s’enfonça avec précaution dans les buissons en murmurant encore une fois à part lui ce mot :

— Allons !

Le chasseur ruminait sans doute un de ces projets dont l’exécution difficile exige la tension continuelle de toutes les facultés de l’homme, car sa marche était lente ; calculée, son œil errait sans cesse dans les ténèbres : la tête tendue en avant, il écoutait les bruits sans nom du désert, s’arrêtant parfois lorsqu’un bruissement insolite dans les broussailles frappait son oreille et lui révélait la présence d’un être inconnu non loin de lui.

Soudain, il s’arrêta, demeura quelques secondes immobile, et, s’affaissant sur lui-même, il disparut tout entier au milieu d’un fouillis inextricable de feuilles, de branches