Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
L’ÉCLAIREUR.

— Mais je ne puis laisser périr mon frère, cependant, s’écria-t-il ; je serais fratricide.

— Non, car il a été justement condamné ; vous n’avez été que l’instrument dont la justice divine s’est servie afin de punir un coupable.

— Oh ! vos spécieux raisonnements ne me convaincront pas, mon maître : si dans un moment de colère et de haine insensée, j’ai oublié les liens qui m’attachaient à ce malheureux, maintenant je vois et je comprends toute l’horreur de mon action, et je réparerai le mal que j’ai fait.

Balle-Franche lui étreignit le bras avec force, se pencha à son oreille, et le regardant fixement :

— Silence ! lui dit-il à voix basse, vous le perdrez en voulant le sauver ; ce n’est pas à vous à le tenter, laisses ce soin à d’autres.

Don Mariano chercha à lire dans l’œil du chasseur la détermination que celui-ci semblait avoir prise, et, lâchant la bride, il continua à marcher d’un air pensif. Un quart d’heure plus tard, ils arrivèrent an gué del Rubio.

Ils s’arrêtèrent au bord de l’eau, qui, resserrée dans son lit étroit, coulait calme et tranquille en ce moment avec un doux murmure.

— Rendez-vous au camp, dit Balle-Franche ; il est inutile que je vous accompagne plus loin. Je vais, ajouta-t-il avec un regard significatif à don Mariano, rejoindre les gambucinos ; continuez paisiblement votre route, vous arriverez au camp quelques minutes à peine avant nous.

— Ainsi vous retournez ? fit don Mariano.

— Oui, reprit Balle-Franche. Adieu, à bientôt.

— À bientôt, reprit le gentilhomme en lui tendant la main.

Le chasseur la prit et la serra cordialement.

Don Mariano poussa son cheval dans la rivière, ses domestiques l’imitèrent silencieusement.