Page:Aimard - L’Éclaireur, 1860.djvu/217

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
207
L’ÉCLAIREUR.

Don Estevan avait écouté avec épouvante les paroles du vieux chasseur : l’horrible supplice auquel il était condamné le frappa de stupeur ; car bien qu’il s’attendit à recevoir la mort, celle-là lui semblait tellement épouvantable que dans le premier moment il ne put y croire ; pourtant lorsqu’il vit sur un signe de Bon-Affût deux gambucinos se mettre en devoir de creuser une fosse, ses cheveux se hérissèrent de terreur sur sa tête, une sueur froide perla à ses tempes, et d’une voix étranglée il s’écria en joignant les mains :

— Oh ! pas cette mort atroce, je vous en supplie, tuez-moi de suite.

— Vous êtes condamné, il vous faut subir votre peine telle qu’elle est prononcée, répondit froidement le vieux chasseur.

— Oh ! donnez-moi ce pistolet que vous m’avez promis, pour que je me brûle la cervelle à l’instant ; vous serez vengés.

— Nous ne nous vengeons pas ; ce pistolet vous sera remis lorsque nous partirons.

— Oh ! vous êtes implacables, s’écria-t-il en se laissant tomber sur le sol, où il se roula avec une rage impuissante.

— Nous sommet justes, dit encore Bon-Affût.

Don Estevan, arrivé au paroxysme de la fureur, se releva subitement, et, bondissant comme un jaguar, il se précipita tête baissée contre un arbre dans l’intention de se briser le crâne. Mais les gambucinos surveillaient trop attentivement ses mouvements pour lui laisser accomplir cette résolution désespérée ; ils s’emparèrent de lui, et malgré sa résistance acharnée et ses cris de bête fauve, ils le garrottèrent et le mirent dans l’impossibilité de faire un mouvement.

Alors sa colère se changea en désespoir.

— Oh ! s’écria-t-il, si mon frère était là, il me sauverait ! Mon Dieu ! mon Dieu ! Mariano ! à moi ! à moi !