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L’ÉCLAIREUR.

poussa un profond soupir à cette sensation de bien-être que lui faisait éprouver, après la chaleur accablante du four, cette bienfaisante fraîcheur.

— Il va ouvrir les yeux, murmura Bon-Affût.

L’Aigle-Volant posa un doigt sur ses lèvres en montrant le blessé.

Si bas qu’eût parlé le chasseur, don Stéfano l’avait entendu, sans comprendre peut-être le sens des paroles qui avaient frappé ses oreilles, mais pourtant suffisamment pour lui faire faire un mouvement prononcé et rappeler en lui le sentiment de l’existence.

Don Stefano n’était pas un homme ordinaire ; digne fils de la race abâtardie du Mexique, la ruse formait le point le plus saillant de son caractère, profondément dissimulé : habitué à toujours juger mal des hommes et des choses, la méfiance semblait innée dans son cœur. Les paroles de Bon-Affût l’avertirent de se tenir sur ses gardes. Sans bouger, sans ouvrir les yeux, afin de ne pas révéler son retour à la vie, il fit un effort suprême pour se rappeler les circonstances qui avaient précédé l’événement dont il était victime, afin d’arriver de déduction en déduction à se rendre compte de la position dans laquelle il se trouvait, et deviner, s’il était possible, entre les mains de qui le hasard ou sa mauvaise fortune l’avait fait tomber.

La tâche que s’imposait don Stefano n’était pas facile, puisqu’il était, par la force des circonstances, privé de son plus solide auxiliaire, la vue, qui lui aurait permis de reconnaître les gens qui l’entouraient, ou du moins lui aurait révélé s’ils étaient amis ou ennemis. Aussi, bien qu’il écoutât avec la plus grande attention, afin de saisir une phrase ou un mot qui le guidât dans ses suppositions, et lui permit d’assoir son calcul sur des données sinon positives, du moins probables, comme les chasseurs, avertis par le chef et soupçonnant une ruse, s’abstinrent de leur côté de