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L’ÉCLAIREUR.

Quiepaa-Tani, la ville qui s’offre enfin aux yeux dès que l’on a franchi la forêt vierge dont nous venons de tracer un aperçu, s’étend de l’est à l’ouest et forme un carré long. Une large rivière, sur laquelle sont jetés plusieurs ponts de lianes d’une légèreté et d’une élégance incroyables, la traverse dans toute sa longueur. À chaque angle de ce carré, un bloc énorme de rocher, coupé à pic du côté qui regarde la campagne, sert de fortifications presque imprenables ; ces quatre citadelles sont reliées, en outre, entre elles par une muraille épaisse de vingt pieds à la cime et haute de quarante, qui, en dedans de la ville, forme un talus dont la base à soixante pieds de large. Cette muraille est construite en briques du pays, faites avec de la terre sablonneuse et de la paille hachée ; on les nomme adobas ; elles sont longues d’environ un mètre. Un fossé large et profond double presque la hauteur des murs.

Deux portes donnent seules entrée dans la cité. Ces portes sont flanquées de tours et de poivrières absolument comme une forteresse du moyen-âge, et ce qui vient encore à l’appui de la comparaison, un petit pont composé de planches, extrêmement étroit et mobile, posé de façon à être enlevé à la moindre alerte, est la seule communication de chacune de ces portes avec le dehors.

Les maisons sont basses et se terminent en terrasses qui se relient les unes aux autres ; elles sont légères et bâties en jonc et en cañaverales revêtus de ciment, à cause des tremblements de terre si fréquents dans cette région ; mais elles sont vastes, bien aérées et percées de nombreuses fenêtres. Toutes n’ont qu’un seul étage d’élévation, et les façades sont enduites d’un verni d’une blancheur éclatante.

Cette étrange ville, apperçue de loin, surgissant au milieu des hautes herbes de la prairie, offre le plus singulier et le plus séduisant aspect.