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d’audace et de défi, avait une expression railleusement sinistre, qui imprimait à son caractère un cachet de méchanceté impossible à rendre.

Curumilla l’accompagnait.

Le comte fit un geste ; le calme se rétablit.

— Que signifie cela ? s’écria le colonel d’un ton hautain.

Don Luis ne le laissa pas continuer.

— Silence ! dit-il d’une voix ferme en fixant sur lui un clair regard.

Dominé malgré lui par l’accent du comte, le colonel se tut en rougissant.

Don Luis reprit :

— Mes frères et mes compagnons, dit-il, malheureusement pour nous, les circonstances nous ont placés dans une situation exceptionnelle ; de tous les côtés la trahison nous entoure ; de mensonge en mensonge, de fourberie en fourberie, on nous a amenés dans ce désert où nous sommes abandonnés à nous-mêmes, loin de tous secours, et ne pouvant, pour nous sauver, compter que sur notre courage. Hier, le général don Sébastian Guerrero, se croyant enfin sûr de la réussite des plans infâmes que depuis si longtemps il trame contre nous, se décide à lever le masque ; il nous déclare hors la loi et nous flétrit de l’épithète honteuse de pirates ; deux heures à peine après son départ, nous sommes attaqués par les Indiens ; les mesures de nos ennemis étaient bien prises ; peu s’en est fallu qu’ils ne réussissent. Mais Dieu veillait, il nous a sauvés cette fois encore ! Maintenant, savez-vous quel est l’homme qui s’était fait le bras droit du général et avait machiné l’odieuse trahison dont nous avons failli être victimes ?