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d’Hermosillo, avait été fait prisonnier par les Français à l’attaque de la tête du pont.

Borunda avait conservé le souvenir de la façon généreuse dont l’avait traité le comte à cette époque. Son plaidoyer fut ce qu’on devait attendre de ce jeune et noble officier, simple, pathétique, et empreint de cette éloquence qui part du cœur et que rien ne peut égaler. Certes, le comte eût été acquitté si sa mort n’avait pas été résolue d’avance.

Don Luis, qui pendant tous les débats était demeuré calme et impassible, écoutant les fausses déclarations et les imputations calomnieuses des témoins sans tressaillir et sans adresser un reproche à ces ingrats qui le sacrifiaient lâchement, se sentit ému malgré lui de la chaude parole de son défenseur ; il se leva, et lui tendant la main avec une grâce inimitable :

— Merci, monsieur, lui dit-il ; je suis heureux, parmi tant d’ennemis, d’avoir rencontré un homme tel que vous. Votre plaidoyer a été ce qu’il devait être, on ne paye pas de telles paroles.

Alors tirant de son doigt la bague chevalière à ses armes que depuis son départ de France il avait toujours portée, il la passa au doigt du capitaine en ajoutant :

— Acceptez cette bague, et conservez-la en souvenir de moi.

Le capitaine serra la main qui pressait la sienne, sans pouvoir articuler une parole[1].

  1. Nous sommes heureux de constater ici que le capitaine Borunda, malgré les offres brillantes qui plus tard lui furent faites, ne voulut pas consentir à se défaire de cette bague. (Note de l’auteur.)