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doña Angela dans ses intérêts. Ainsi, Violanta trahissait sa maîtresse an profit de don Cornelio, dont elle se croyait aimée et qui lui avait laissé supposer qu’il l’épouserait un jour.

Par la camérista restée aux écoutes, l’Espagnol avait appris tout ce qui s’était dit dans le jacal entre le père Séraphin, le comte et la jeune fille ; l’ordre qu’il avait reçu ensuite d’aller à la Magdalena acheter des frocs avait dissipé ses derniers doutes, et il s’était résolu à agir sans perdre de temps.

C’était d’après ses conseils que, le soir même, les Mexicains devaient tenter de surprendre le camp : il savait donc où les trouver. Profitant, en conséquence, d’un moment où chacun était trop occupé de ses propres affaires pour songer à ce que faisaient les autres, il s’était glissé silencieusement en dehors, marchant comme un homme qui se promène, avait gagné un fourré derrière lequel un cheval était disposé, s’était mis en selle et s’était lancé à toute bride dans la campagne, après avoir jeté un regard investigateur autour de lui, afin de s’assurer qu’il n’était pas surveillé.

Il galopa ainsi pendant plusieurs heures sans paraître suivre de route déterminée, coupant droit devant lui, sans tenir compte des obstacles et sans ralentir la rapidité de son allure.

Cependant peu à peu ses pensées, d’abord sombres et tristes, prirent une direction différente ; il attacha la bride au pommeau de la selle, et pour la première fois depuis bien longtemps ses doigts se mirent à errer machinalement sur les cordes sonores de son jarabé, que toujours il portait en bandoulière et qu’il avait ramené devant lui ; puis,