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— Courage, mon enfant ; j’ai foi en don Luis, le ciel doit protéger son expédition, car l’œuvre qu’il entreprend est grande et noble puisqu’elle a pour but l’émancipation d’un pays tout entier.

— Je suis heureuse de vous entendre parler ainsi, croyez-le, mon père ; le comte Prébois-Crancé peut échouer, mais alors il tombera comme un héros et sa mort sera celle d’un martyr.

— Oui, le comte est une intelligence d’élite ; je crois comme vous, mon enfant, que si les contemporains ne lui rendent pas la justice qui lui est due, la postérité du moins ne le confondra pas avec ces flibustiers et ces aventuriers sans aveu pour lesquels l’or seul est tout ; et qui, quel que soit le titre dont ils s’affublent, ne sont en réalité rien moins que des voleurs de grands chemins ; mais voici la route qui s’élargit, nous allons entrer dans le défilé ; cet endroit ne jouit pas, dans le pays, d’une fort bonne réputation, tenez-vous auprès de moi ; bien que je croie n’avoir rien à redouter, cependant il est toujours bon d’être prudent.

En effet, ainsi que l’avait annoncé le missionnaire, le sentier s’était tout à coup élargi ; les deux parois de la montagne, qui, depuis quelque temps, se rapprochaient insensiblement, formaient maintenant deux murailles parallèles éloignées tout au plus d’une quarantaine de mètres ; c’était cette gorge assez étroite qui portait le nom de Quebrada del Coyote ; elle avait à peu près un demi-mille de long, puis elle s’élargissait tout à coup et débouchait sur un vaste chaparral couvert de bois taillis et de champs de dahlias, tandis que les montagnes fuyaient à droite et à gauche, pour ne se rejoindre une seconde fois que quatre-vingts lieues plus loin à peu près.