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— Messieurs, leur dit-il, avec cette facilité sympathique d’élocution qu’il possédait si bien, je suis le plus jeune et certainement le plus inexpérimenté de nous tous ; ce ne serait donc pas à moi à parler en ce moment, où des intérêts si graves et d’une si grande importance nous occupent, cependant peut-être la confiance que le comte de Lhorailles avait bien voulu placer en moi m’autorise-t-elle à tenter la démarche que je fais en ce moment auprès de vous.

— Parlez ! parlez ! cette confiance, vous en êtes digne ! répondirent tumultueusement les colons.

Ainsi encouragé, le jeune homme sourit doucement et continua :.

— Certes, un grand malheur est venu fondre sur nous, beaucoup de nos compagnons sont morts misérablement dans le grand désert del Norte ; le comte de Lhorailles, notre chef, celui qui nous avait amenés ici, est mort aussi. Je le répète, c’est pour nous tous en général, et pour l’avenir de la colonie, une perte immense, un affreux malheur que la mort de cet homme, à la vaste intelligence et au courage de lion, à la fortune duquel nous nous étions attachés ; mais ce malheur, tout terrible qu’il soit, est-il irréparable ? Devons-nous devant cette mort perdre tout courage et abandonner lâchement l’œuvre à peine commencée ? Je ne le pense pas, vous ne le pensez pas vous-mêmes !

À ces paroles, quelques légers murmures se firent entendre ; le jeune homme promena son calme et limpide regard sur l’assistance ; le silence se rétablit comme par enchantement.

— Non, reprit-il avec force, vous ne le pensez pas vous-mêmes ! Vous subissez eu ce moment, à votre insu, l’influence de la catastrophe qui nous accable ;