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LES PIEDS FOURCHUS

Une nouvelle partie recommença : pas un mot ne fut échangé, jusqu’au moment où le Brigadier relevant soudainement la tête, demanda :

— Femme, où est donc cette peste de Luther ? je ne l’ai pas vu aujourd’hui.

La Tante Sarah reconnut à l’intonation que le jeu n’allait pas au gré du Brigadier ; elle répondit doucement :

— Il est allé chercher les bestiaux, père.

— Les bestiaux dehors ! par ce temps sombre ! et cette tempête effrayante ? C’est là votre jeu, Iry ?

— Non, sir, voilà ; répondit le jeune homme en désignant le pion qu’il venait de mouvoir.

— Et quand est-il sorti, mère ?

— Au point du jour, murmura Lucy appuyée sur la table, faisant signe à l’Oncle Jérémiah, et fixant les yeux sur Burleigh, qui, la tête dans les mains, attendait qu’il plût au vieillard de jouer.

— Oui, père, il est sorti avant le jour et depuis lors n’est pas rentré, ajouta la Tante Sarah.

— Voilà un coup chanceux, mère !

Le Brigadier regarda sa femme avec une expression comique de perplexité, hésitant à jouer, et roulant un pion entre le pouce et l’index.